Tête-à-tête avec Sax
Sax est originaire de la Drôme Provençale, dont les paysages lui ont donné son goût pour la couleur vive. La figure animalière est centrale dans son œuvre, dont il sublime l’expressivité par des éclaboussures aux couleurs lumineuses.
Comment en es-tu venu au street art ?
J’ai découvert le street art à Paris dans le quartier de la Butte-aux-Cailles, en 2013 quand je m’y suis installé lors de mes études de graphisme. Je me suis mis au street art en 2019, lorsque la peinture a pris plus de place dans ma vie. J’ai commencé avec des collages dans Paris. Je peignais sur des papiers blancs ou beiges. C’étaient déjà des animaux. Pendant un an, je collais une fois par semaine un animal différent, en voie de disparition. Je cherchais à mettre en avant ces animaux avec des couleurs flashy. J’y ajoutais du graffiti avec des mots impactant qui tapaient à l’œil. J’ai grandi à la campagne, au milieu des animaux. Ce sujet m’a toujours parlé.

Quelles sont tes influences ?
Il y a beaucoup d’art abstrait : Hans Hartung, Cy Twombly, Fabienne Verdier. Aussi, je m’intéresse à la peinture asiatique, et plus particulièrement chinoise avec le style libre dit « xieyi ». Contrairement au style académique, le style libre repose plus sur l’expression des sentiments, du moment, et moins sur la rigidité des détails. À partir de taches d’encre de Chine, ils construisent des sujets animaliers et des paysages ; c’est ce que je reprends. C’est une précision différente que celle du dessin au trait. C’est un travail sur le mouvement, sur le geste. On travaille la matière, dans une imprécision contrôlée.
Je n’habite pas très loin de la Grotte Chauvet, en Ardèche, une des plus anciennes grottes ornées. Quand je l’ai découvert, j’ai pris une claque. Je me souviens de ces dessins de fauves… Aujourd’hui on retourne sur les murs !
Comment prépares-tu la composition de tes œuvres, entre le dessin et les éclaboussures de couleur ?
Je commence avec une base abstraite en fond, puis je vais petit à petit vers les détails pour finir avec le détail des yeux. Je dessine les contours du sujet à l’encre sur le fond que j’ai préparé et à partir de ça, je viens éclabousser la toile de couleur.
Tes œuvres sont colorées. Les tâches de couleur se succèdent. Comment procèdes-tu au choix des harmonies ?
Tout dépend du moment. Je m’inspire des couleurs d’un paysage ou d’un autre artiste que j’ai vu. Par exemple, les pêchers en fleur autour de chez moi qui sont roses lorsqu’ils fleurissent au printemps, avec des couleurs douces, m’ont m’inspiré pour des œuvres plus pastel.
Je sais à peu près où je vais. Je travaille mon sujet par croquis, je sais dans quelle pose je le veux et avec quelles couleurs. J’utilise pas mal de complémentaire.
En ce moment, je suis plutôt dans des gammes chromatiques plus naturelles, comme l’ocre. Je réduis l’utilisation du fluo. Ça met plus en avant le travail du geste des projections de peinture.
Qu’est-ce qui te plaît le plus dans la pratique de rue et celle d’atelier ?
Aujourd’hui, je ne fais plus de vandale. Une grosse partie de mes projets actuels est la réalisation de fresques éphémères au sol dans la nature. C’est une texture qui n’a pas trop été vue. Les drones sont utiles pour ça, ils offrent un autre point de vue sur le monde qui était difficilement accessible auparavant.
En atelier, on peut peaufiner à l’extrême les œuvres. Dans la nature, à l’inverse, on n’est pas forcément libre de faire ce qu’on veut, mais ça laisse place à d’autres choses intéressantes que je reprends ensuite dans mon travail d’atelier.
Sens-tu une évolution dans ton style, tes techniques, ton approche ?
À mes débuts, avec cette fréquence d’un collage par semaine, je devais aller à l’essentiel pour garder une spontanéité.
Aujourd’hui, il n’y a plus de graffiti, de mot. Je suis plus instinctif dans le geste, dans l’explosivité de la peinture et de la matière. Mon travail sur le regard de mes animaux a évolué aussi, il s’est affiné. J’intègre davantage la nature, dans le sens où je m’inspire de l’art abstrait et celui-ci emprunte dans ce qu’on voit dans la nature. Mes fresques éphémères sont dans cette veine : j’utilise le terrain dans l’œuvre et l’œuvre est intégrée au terrain. Actuellement, je travaille sur des tuiles provençales, patinées par la nature, et les peintures jouent avec la texture des tuiles qui ont été patiné par le temps et les éléments.
Quels sont les messages que tu souhaites transmettre à travers tes œuvres ?
Je veux mettre en avant, sans être dramatique, la beauté de la nature, animale et même végétale.
En ce moment, sur quoi travailles-tu ? Envisages-tu d’explorer de nouvelles voies ?
J’essaie de développer ce projet de fresque éphémère au sol. J’ai commencé il y a 2 ans en faisant un éléphant dans le Gard, pas loin de la Grotte Chauvet, le berceau des premiers hommes. Les éléphants font partie des premiers sujets peints sur les murs. C’était un hommage.
Pour capturer mes fresques éphémères, je réalise mes propres vidéos. J’ai travaillé dans le cinéma et c’est une manière pour moi d’intégrer cette passion à mon art. Peut-être que la vidéo viendra prendre davantage de place dans mon travail par la suite.
