Tête-à-tête avec Antoine Stevens

Antoine Stevens fait dialoguer art urbain et dessin classique au travers de ses portraits féminins. L’artiste met l’accent sur l’émotion du regard de ces femmes, dont il se dégage une certaine nostalgie.

Comment en es-tu venu au street art ?
J’ai découvert le graffiti au lycée, au hasard de rencontres que j’ai suivi, et j’y ai pris goût. Ça a ensuite pris une orientation plus artistique. Je me concentrais sur les personnages, et au fur et à mesure, je me suis tourné vers le portrait.

Quelles sont tes influences ?
Le pochoir m’interpellait plus, avec la variété de ses personnages. J’en ai fait pendant 4-5 ans. Jef Aérosol, le Lillois, était ma référence la plus proche. Il y avait aussi Blek le Rat et Miss.Tic.
La scène pop m’inspirait également, avec Andy Warhol.
J’ai ensuite eu l’envie, le besoin, de dessiner et de peindre. En autodidacte, et au fur et à mesure, je me suis intéressé aux peintres classiques.
J’avais réalisé une série sur le cri, avec la décomposition de son mouvement. En termes de peinture, de mouvement et de technique, Francis Bacon m’a beaucoup inspiré.
Puis dans mes portraits féminins, j’ajoutais des détails comme des bijoux, dans la lignée des peintres flamands.
J’ai essayé d’aller puiser dans tout ce qui existe.

Pourquoi ces visages ? Comment les trouves-tu ?
Je travaille à partir de photographies que j’ai prise moi-même ou des piges de photographes, comme éléments de recherche. Je me concentre sur le regard et l’émotion que je peux avoir. L’émotion que je crée peut être différente de la photo, c’est selon mon humeur. La photo me donne un point de démarrage, puis je réinterprète le regard et l’émotion. Je m’inspire en restant vague pour ne pas trop ressembler à la photo et me détacher au maximum.
S’agissant des angles des visages, c’est par période. En ce moment, j’ai une affection pour le portrait de ¾. Je trouve que ça laisse une interprétation plus libre, avec un regard plus insaisissable..

Antoine Stevens, Emmy, 2025, acrylique et aérosol sur toile, 40 x 50 cm

Comment procèdes-tu au choix des couleurs ?
La couleur est le point de départ. Elle est travaillée sur la toile comme une peinture abstraite, déterminée par mon humeur. C’est mon sentiment du moment qui donne la couleur, la base du travail, avec l’idée du portrait, de son angle et de l’émotion qu’il doit dégager. Le trait et les coulures viennent après.
Je pense que j’associe certaines émotions à certaines couleurs ; et par période, il y a des dominantes. Je me rassure dans le bleu. Il y a des couleurs que je n’utilise jamais comme le vert ou l’orange. Le rouge était associé à ma série sur le cri et ce n’est plus forcément une couleur qui m’attire particulièrement. Il y a des jaunes qui commencent à m’inspirer.
L’idée du contraste me plaît, j’ai exploré ça avec Vitoria.

Antoine Stevens, Vitoria, 2025, digigraphie sur papier satiné 300 gr. réhaussée, 21 x 29,7 cm

Qu’est-ce qui te plaît le plus dans la pratique de rue et celle d’atelier ?
En extérieur, le format est intéressant. C’est la dimension et la visibilité qui m’attirent dans la rue. C’est plaisant d’y revenir, comme à mes débuts.
En atelier, j’apprécie le rythme calme. 

Sens-tu une évolution dans ton style, tes techniques, ton approche ?
Il y a une évolution au niveau de la palette. Avant, je peignais en noir et blanc et ocre. Pendant cette période où je faisais des dessins en noir et blanc, mon coup de crayon s’est amélioré. J’ai ensuite eu envie de couleur.
Mes fonds étaient déjà en tags colorés. Aujourd’hui, je réalise des fonds plus abstraits. Les coulures sont arrivées il y a 10 ans.

En ce moment, sur quoi travailles-tu ? Envisages-tu d’explorer de nouvelles voies ?
J’organise des ateliers artistiques au sein de mon propre atelier. Je propose un espace créatif, pour les adultes et enfants, dont le but est de libérer la créativité. Je vais développer ce programme, nommé Pygments.

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