Tête-à-tête avec Amsted

Amsted est originaire d’Aix-en-Provence. Ses œuvres colorées, tout en courbe, évoquent la nature qu’elle sait être une ressource équilibrante pour l’être humain. Cette abstraction ouvre ainsi des voies d’interprétation propres à chacun.

Comment en es-tu venu au street art ?
J’ai commencé par le dessin en 2019. Assez vite, 6 mois après, en 2020, j’ai voulu essayer sur les murs car mon motif a cette capacité à s’adapter à n’importe quel support. J’aimais bien l’idée de m’approprier un espace. J’ai réalisé ma première fresque à Aix-en-Provence au stade Georges Carcassonne, en février 2020, avec l’artiste Le Module de Zeer. C’était la première fois que j’utilisais la bombe aérosol. Je m’attendais à un résultat décevant et finalement non, ça m’a encouragé. Mais au moment où je découvre cet attrait pour les murs, on nous enferme avec les confinements.

Amsted, 2020, Stade George Carcassone

Quelles sont tes influences ?
Ma ressource, c’est la nature. Je puise mon inspiration dans les éléments naturels, dans la palette du territoire où je peins. L’expérience de la santé mentale vient également nourrir mon inspiration. En tant qu’art-thérapeute, les patients me rapportent les bienfaits de la nature sur leur santé psychique. Je relie les différentes facettes de ma vie dans mon art.

Comment prépares-tu la composition de tes œuvres ?
Tout dépend du projet. Je préfère la spontanéité, sans vraiment de travaux préparatoires. Par contre, pour les commandes, je dois souvent prédéfinir une maquette comme ça a été le cas pour la Nissan Juke lors du forum PSICOLOGIA de l’école EFPP, en octobre 2024. Mais je préfère m’adapter en direct sur le support.

Amsted, Nissan Juke, 2024
Amsted, Nissan Juke, 2024

Tes œuvres sont colorées. Tu utilises le plus souvent des teintes vives, mais également les pastels et tu joues avec les dégradés. Comment procèdes-tu aux choix des couleurs ?
Il suffit de regarder dans notre nature et voir comme elle est bien faite. J’ai vu un documentaire sur la couleur et son importance dans le système de survie et la manière dont elle est apparue au fil de l’évolution naturelle. J’observe autour de moi.
Pour Hybride-09 par exemple, je me suis inspirée du plumage du colibri madère pour l’iridescence de son plumage.

Amsted, Hybride-09, techniques mixtes sur châssis entoilé coton, 116 x 81 cm

Comment en es-tu venu à l’art-thérapie et comment cela influence-t-il ta création artistique ? Comment vois-tu quotidiennement la portée de l’art dans l’apaisement des esprits ?
Dès mes premières années en psychiatrie, j’ai intégré l’art dans mes moments avec les patients. Quand j’ai pu me consacrer plus pleinement à ma carrière, je me suis formée à l’art-thérapie, qui fait partie du champ de la psychothérapie. Le but est de proposer un autre espace thérapeutique pour les patients.
Par ma vie privée et mon poste au sein d’une unité de soins intensifs psychiatriques, je suis toujours dans l’adaptabilité, mon motif et ses courbes me rappellent comment je me dois d’être souple dans ma relation au patient. Je propose des séances dans un espace ou le patient reste décisionnaire de ses choix dans un cadre établit que j’adapte en fonction de chaque personne reçue. En 2019, l’OMS a rendu un rapport montrant combien l’art est bénéfique pour la santé physique et mentale, elle réduit l’anxiété et la douleur. L’art-thérapie est un véritable outil thérapeutique, elle offre des solutions aux problèmes de santé complexes là où la médecine peut avoir ses limites.

Qu’est-ce qui te plaît le plus dans la pratique de rue et celle d’atelier ?
Les deux travaux sont intéressants. Pour améliorer les murs, je dois travailler en atelier.
Dans la rue, quand c’est en vandale, il y a l’adrénaline et lorsque c’est une commande, c’est une autre appréhension car il y a moins de marge d’erreur.
En atelier, on peut prendre le temps, laisser mûrir et évoluer. Cela me permet de plus approfondir que sur un mur. 

Sens-tu une évolution dans ton style, tes techniques, ton approche ?
Ma courbe est moins rigide, plus souple. J’ai plus d’aisance. À force, mon geste s’est précisé. J’ai créé mon identité graphique dans cette technique. Au début, je venais remplir des formes ; aujourd’hui, c’est plus mouvant car j’ai pris confiance dans mes gestes, ils sont plus amples. Avec une meilleure maîtrise de la courbe, je lui donne une autre dimension, avec un jeu de dessus-dessous, je la fais vivre autrement par le mouvement.
J’ai commencé au feutre, mais j’utilise davantage le pinceau à présent. C’est plus technique, il faut gérer la fluidité de la peinture, la densité et longueur du pinceau, la précision du geste, la pression.
Je suis en constante évolution, en essayant de me remettre en question à l’aide d’amis artistes. Je parlais d’adaptabilité plus tôt, mon motif répond profondément à cette approche.

Quels sont les messages que tu souhaites transmettre à travers tes œuvres ?
De manière générale, mon travail vise à sensibiliser à la nature qui nous entoure, y compris en milieu urbain. J’aime mettre en lumière la beauté des petits détails que l’on ne remarque plus. L’inclusion du handicap occupe également une place importante dans mon approche artistique. La question de la santé mentale a beaucoup marqué mon parcours, mais je ne me limite pas à cet engagement. En mai 2024, j’ai réalisé une fresque avec des enfants déficients visuels pour l’association IRSAM. D’autres interventions sont également en préparation, notamment avec l’institut du Sein Marseille Provence, qui regroupe des personnels de santé spécialisés dans la prise en charge des patientes touchées par un cancer du sein.


En ce moment, sur quoi travailles-tu ? Envisages-tu d’explorer de nouvelles voies ?
Je suis justement en pleine réflexion ! J’ai plusieurs événements qui s’annoncent, donc à suivre…

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